Les gestes du célébrant

La messe est célébrée en latin, car une langue liturgique, pour remplir son rôle, se doit d’être « fixée », exempte des variations continuelles que subissent forcément les langues qui sont parlées communément (cf. A propos des langues sacrées). Le souffle du célébrant ne véhicule pas simplement des mots, ou plutôt des idées au sens courant du terme, qui ne sont qu'humaines, mais aussi et surtout des grâces ou influences spirituelles, "Idées" divines qui doivent avoir pour support des symboles en adéquation avec ce qu’elles sont immuablement dans le Verbe non-proféré.

Surmonté de la Croix, axe de l’Univers par lequel l’esprit descend vers ce bas monde, l’autel, renfermant les reliques de martyrs, chargé d’influences spirituelles, est le « reposoir » de la divinité; entre l’assemblée et lui, le prêtre est comme un canal, et souvent, il y applique les mains et la bouche, puis se retourne pour bénir les fidèles, comme répandant sur eux la grâce dont il est plein[1].

Sinon, il maintient l'orientation rituelle, d'ailleurs joint en cela par l'assemblée toute entière (Cf. Le Roi du monde, ch.VIII) : faisant face à son Seigneur, s'adressant à Lui, il intercède pour nous, à voix haute ou à voix basse, mais sans manifestations théâtrales d'aucune sorte.

Généralement, il se tient droit, les mains élevées de part et d’autre du tronc, semblable à la Croix dont les branches sont les mains de Dieu : "main bénissante" et "main de justice", auxquelles correspondent respectivement, pendant la messe, le côté « évangile » (au Nord), et le côté « épître » (au Sud) de l’autel (cf. Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, ch.IV; La Grande Triade, ch.VII). L'identification à la Croix est d'ailleurs explicite chez les Pères chartreux, qui étendent leurs bras perpendiculairement à leur tronc pendant le Canon.

Souvent, et notamment à la fin des oraisons (Per dominum nostrum...), il joint les mains l'une à l'autre pour qu'elles soient "un" comme Dieu est "Un"; et avant les bénédictions importantes effectuées par des signes de croix (car c’est par la croix que sont manifestées toutes choses : cf. le texte de Clément d’Alexandrie cité à propos du Pater), il les joint en les élevant au ciel afin que l'Esprit daigne s'y poser : ainsi au Veni Sanctificator de l’Offertoire, ainsi au début du Canon, puis enfin à la bénédiction finale.

De la consécration à la communion, ses doigts forment un signe que l’on peut voir sur d’innombrables statues orientales, signe exprimant peut-être l’union du ciel et de la terre, et épelant le nom divin Schaddaï (Schin, Daleth, Yod), Le Tout-Puissant (cf. le livre de l'Abbé Boon et La chirologie dans l'ésotérisme islamique).

Parfois, son regard fixe la croix ou l'hostie, s'imprégnant de la "vérité" que leurs apparences voilent et manifestent tout à la fois.

Quant aux génuflexions, comme dans une moindre mesure les diverses inclinations, elles expriment la servitude de la créature, tirée de la terre, qui n’est rien en présence de Dieu (et toutes les parties de la messe pendant lesquelles le calice contenant le vin consacré est découvert sont encadrées de deux génuflexions).

Bien entendu, ces quelques notes ne sont pas exhaustives (nous sommes d'ailleurs évidemment très loin de comprendre tous les symboles de la messe, et c'est là le moins qu'on puisse dire). Par exemple, à l'Offertoire, il faudrait parler des signes de croix exécutés avec la patène et le calice au-dessus du corporal; de la manière dont le célébrant élève ces objets liturgiques : la patène avec quatre doigts (selon l'Abbé Boon; cf. El-Arkân), et le calice avec, au pied, la main gauche, qui est Rigueur, et sous la coupe, la main droite, qui est Miséricorde; de l'encensement des offrandes, avec trois signes de croix (aux mots incensum istud + a te benedictum + ascendat ad te, Domine +), puis trois cercles (et descendat super nos misericordia o tua o), gestes qui symbolisent vraisemblablement un double mouvement ascendant et descendant à travers les trois mondes (et il est à noter que l'ensemble trace le symbole important de la croix inscrite dans le cercle; en outre, le dernier cercle est exécuté en sens inverse des deux autres; cf. encore le livre de l'Abbé Boon); et puis mentionnons encore en passant, comme signe de croix particulier (suivi d'un baiser), celui que le  prêtre fait sur son propre corps avec la patène, au début du rite de la Communion : le corps qui doit recevoir l'hostie ne doit-il pas se faire en quelque sorte semblable à une patène ?


[1] Aux paroles du prêtre , Dominus vobiscum, l'assemblée répond : Et cum spiritu tuo. Ainsi, par l'intermédiaire du prêtre, la grâce est répandue de "son" esprit jusqu'aux confins de l'église militante.

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