Extrait 1
[…] Tout d’abord, nous devons écarter l’objection que
certains pourraient être tentés de tirer du fait que le néophyte ne ressent
aucunement l’influence spirituelle au moment même où il la reçoit ; à vrai
dire, ce cas est d’ailleurs tout à fait comparable à celui de certains rites
d’ordre exotérique tels que les rites religieux de l’ordination par exemple, où
une influence spirituelle est également transmise et, d’une façon générale tout
au moins, n’est pas davantage ressentie, ce qui ne l’empêche pas d’être
réellement présente et de conférer dès lors à ceux qui l’ont reçue certaines
aptitudes qu’ils ne pourraient avoir sans elle. Mais, dans l’ordre initiatique,
nous devons aller plus loin : il serait en quelque sorte contradictoire
que le néophyte soit capable de ressentir l’influence qui lui est transmise,
puisqu’il n’est encore, vis-à-vis de celle-ci, et par définition même, que dans
un état purement potentiel et « non-développé », tandis que la
capacité de la ressentir impliquerait déjà forcément, au contraire, un certain
degré de développement ou d’actualisation ; et c’est pourquoi nous disions
tout à l’heure qu’il faut nécessairement commencer par l’initiation virtuelle.
Seulement, dans le domaine exotérique, il n’y a en somme aucun inconvénient à
ce que l’influence reçue ne soit jamais perçue consciemment, même indirectement
et dans ses effets, puisqu’il ne s’agit pas là d’obtenir, comme conséquence de
la transmission opérée, un développement spirituel effectif ; par contre,
il devrait en être tout autrement quand il s’agit de l’initiation, et, par
suite du travail intérieur accompli par l’initié, les effets de cette influence
devraient être ressentis ultérieurement, ce qui constitue précisément le
passage à l’initiation effective, à quelque degré qu’on l’envisage. […]
Extrait 2
Ajoutons encore incidemment, avant de passer à un
autre aspect de la question, que cette transmission, comme d’ailleurs nous
l’avons déjà fait remarquer expressément, n’a et ne peut avoir absolument rien
de « magique », pour la raison même que c’est d’une influence
spirituelle qu’il s’agit essentiellement, tandis que tout ce qui est d’ordre
magique concerne exclusivement le maniement des seules influences psychiques.
Même s’il arrive que l’influence spirituelle s’accompagne secondairement de
certaines influences psychiques, cela n’y change rien, car ce n’est là en somme
qu’une conséquence purement accidentelle, et qui n’est due qu’à la
correspondance qui existe forcément toujours entre les différents ordres de
réalité ; dans tous les cas, ce n’est pas sur ces influences psychiques ni
par leur moyen qu’agit le rite initiatique, qui se réfère uniquement à
l’influence spirituelle et ne saurait, précisément en tant qu’il est
initiatique, avoir aucune raison d’être en dehors de celle-ci. Du reste, la
même chose est vrai, aussi, dans le domaine exotérique, en ce qui concerne les
rites religieux [1] ;
quelles que soient les différences qu’il y ait lieu de faire entre les
influences spirituelles, soit en elles-mêmes, soit quant aux buts divers en vue
desquels elles peuvent être mises en action, c’est bien toujours d’influences
spirituelles qu’il s’agit proprement, dans ce cas aussi bien que dans celui des
rites initiatiques, et, en définitive, cela suffit pour qu’il ne puisse y avoir
là rien de commun avec la magie, qui n’est qu’une science traditionnelle
secondaire, d’ordre tout à fait contingent et même très inférieur, et à
laquelle, redisons-le encore une fois de plus, tout ce qui relève du domaine
spirituel est entièrement étranger.
[1] Il va de soi
qu’il en est encore de même pour d’autres rites exotériques, dans les traditions
autres que celles qui revêtent la forme religieuse ; si nous parlons plus
particulièrement ici de rites religieux, c’est parce qu’ils représentent, dans
ce domaine, le cas le plus généralement connu en Occident.
Extrait 3
[…] une transmission orale est partout et toujours
considérée comme une condition nécessaire du véritable enseignement
traditionnel, si bien que la mise par écrit de cet enseignement ne peut jamais
en dispenser1,
et cela parce que sa transmission, pour être réellement valable, implique la
communication d’un élément en quelque sorte « vital » auquel les
livres ne sauraient servir de véhicule […]
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